Le dimanche soir, c’était plein de choses et rien à la fois.
C’était un bon bain, de la musique, un massage.
Fiona adorait.
Le dimanche soir, c’était le mot dans son cahier pour raconter le week-end.
Un musée, une ballade en forêt, du lèche vitrine à Parly II, des jeux de sociétés, une soirée en famille ou entre amis, un séjour à la campagne, Fiona avait toujours plein de choses à raconter.
Le dimanche soir, nous parlions avec le clavier, comme d’autres soirs.
Le dimanche soir c’était l’organisation de la semaine. Un rituel.
J’aimais mais je me disais aussi que je vivais dans une prison dorée…J’étouffais parfois, je voulais autre chose, davantage de temps pour moi. J’ai la franchise de le dire aujourd’hui. La tristesse aussi de me dire j’ai pu penser ça.
Aujourd’hui, ces dimanches soirs me manquent. Un dimanche soir sans enfant, n’a plus le même sens. C’est comme un noël entre adultes…Il manque l’essentiel.
Et Fiona me manque. Chaque jour j’avance, je gravis cette montagne, seule. Je suis seule sans ma fille. Seule, face à mes peurs et mes angoisses. Face à ce manque que son départ a installé en moi. Rien n’y fait.
Les mois passant, je suis devenue lucide. Lucide de ce chagrin, de la vie, du temps qui ne guérira rien. Je suis devenue lucide sur le monde qui m’entoure. Lucide de mes aspirations, de ce qu’il reste, de ce que je dois entreprendre. Lucide du chemin que je dois emprunter, où je dois aller. Lucide de ce qui ne m’intéresse plus.
Je suis lucide. C’est énorme. Triste et lucide. Joyeuse et lucide. Quoi qu’il se passe autour de moi ou dans ma vie, je garde cette lucidité qui fait de moi un être peut être plus en recul mais tellement plus attentif. Attentif, oui. Je m’ouvre comme jamais. Sachez le, quoique vous pensez.
Je suis née un jour sans savoir ce que serait ma vie. Comme chacun. Je me revois à quatre an dessiner le petit prince sur des carreaux de céramique, dans une école mixte valides-invalides, entourée de ces enfants extraordinaires. Je me revois, sous le choc, dans un centre pour adultes handicapés mentaux, venant voir ma cousine, éducatrice à l’Arche. Je me revois ensuite, en maison de repos, à 14 ans, suite à une intervention des pieds, me prendre d’amitié pour un jeune trisomique. Je me revois, à 28 ans, dans cette région des Yvelines, près de l’hôpital de Garches, enceinte jusqu’aux dents, me disant que toutes ces personnes en fauteuil roulant dans le coin allaient me foutre la poisse. Je me revois juste après, avec mon bébé différent dans les bras. Pas de bol ! Quelle richesse. J’en veux encore !!!
Mon bébé, devenu belle ado au doux caractère bien trempé, me manque. Et mes dimanches soirs ne sont plus les mêmes. Ils ne seront plus jamais les mêmes
Et vous, vos dimanches soirs ? Comment les aimez vous ?