Je fais suite au commentaire ci-dessous
Bonjour à tous
J'ai lu et j'ai apprécié les commentaires sur le livre: "ou on va papa ?" dans votre blog. Je suis la mère des deux enfants Matthieu et Thomas dont l'image donnée dans ce livre me révolte. Après avoir encaissé pendant six mois sans rien dire, j'ai envie maintenant de donner mon point de vue
Dans ce but j'ai fait un petit site dont voici l'adresse:
http://ouonvamaman.monsite.orange.fr
J'aimerais avoir vos commentaires et savoir ce que vous pensez de ma démarche. Merci et à bientôt peut-être.
Ecrit par : Agnès Brunet-Gay | 20 avril 2009
laissé par Agnès Brunet-Gay, la maman de Matthieu et Thomas, les deux « héros » du livre de Jean-Louis Fournier « Où on va papa ? ».
Livre qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a révolté bon nombre de parents d’enfants handicapés, dont je fais partie.
J’ai été très émue de visiter le site personnel d’Agnès Brunet-Gay, très émue de lire quel a été son ressenti à la lecture de ce livre et des réactions diverses de parents concernés, très émue de voir les quelques photos de Matthieu et Thomas.
J’aurais aimé lire ce livre « au premier degré », malheureusement je n’ai pas pu. Non, ce que j’ai lu m’a fait de la peine…
Merci à vous, Agnès Brunet, d’avoir rectifié l’image de vos deux fils !
Je vous laisse visiter ce site et laisser un petit mot à cette maman.
Témoignages
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Où on va maman ?
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A Naïk, Pat, Marie, Danny, Franzesca et vous tous
La douleur d’une mère amputée de la vie de son enfant est indescriptible, comme nous pouvons le lire à travers les mots de Naïk ou à travers les miens.
Pourtant comme le dit si bien Pat, la mort n'existe pas et, au contraire il y a un rapprochement, une communion des deux âmes à laquelle, je le dis, nous devons prêter attention. Oui, je n’ai pas peur de le confirmer « ma fille est en moi et je suis en elle ». C’est une vague intuition au départ qui devient rapidement une certitude.
Naïk je vais tenter de m’expliquer sans apporter trop de détails qui pourraient en choquer quelques uns. Là n’est pas le but. Chacun vivra un jour sa propre expérience en fonction de sa réceptivité et de son désir de comprendre.
Quinze jours après le départ de Fiona, le dimanche 9 mars 2008 très exactement, j’ai entendu subitement dans ma tête sans que je m’y attende une petite voix qui me disait « maman, maman, je suis là ». J’ai eu peur. Je ne connaissais pas cette voix (Fiona ne parlait pas). Je me suis assise sur mon lit et je l’ai vue de mes yeux, là, à côté de moi. Belle, sereine, souriante. Sans aucun handicap.
Le soir deux cadres avec sa photo sont tombés du mur.
Depuis ce jour, les signes n’ont cessé de nous montrer son existence, sa présence.
Les plantes qui changent de place, son parfum dont l’odeur décuplée par dix entre soudainement dans une pièce, un verre qui explose (je dis bien qui explose) au démarrage d’une chanson très particulière, l’eau d’un robinet qui se met à couler toute seule, un nuage en forme de cœur le soir de nos 10 ans de mariage…Et j’en passe.
Mais le plus incroyable est sa transmission de pensées.
J’ai en moi ses pensées. Je l’ai compris peu à peu. Un soir elle m’a parlé de Dieu, à moi sa maman qui n’avait pas vraiment la foi. Et elle m’a dit « Je suis la lumière, la vie, l'amour, la vérité. Nous vivons pour l'éternité. J’apprends la vie de lumière. Je serai cette lumière pour tous mes amis. »
J’avais besoin de preuves car j’avais la crainte que ce soient mes propres pensées qui délirent…Cette preuve je lui ai demandé.
Le lendemain matin, je trouvais un commentaire de Pat sur le blog
« La nuit passée, j’ai vu une âme qui baignait dans la source de la lumière, c’était Fiona qui me souriait, continue Pat me dit-elle, d’écrire la lumière avec l’encre de ta nuit, car les enfants ne saisissent pas encore la parole de vérité. Je relevai mon visage tandis que mes yeux effleurèrent les siens, c’est à cet instant que je compris l’éternité de l’homme. »
Coïncidence ?
Depuis, ses pensées se mélangent aux miennes et je vis avec elle. Elle me prévient de certains évènements, elle me parle de la vie, de l’universalité, de la continuité, du pardon, de l’essentiel, du bonheur, de Dieu…
Mes incertitudes sont devenues des certitudes, tout est pour moi à présent une évidence.
Elle m’ouvre peu à peu les portes restées longtemps inaccessibles.
Et pourtant je souffre. Car son absence physique reste pour moi insupportable.
Marie, je trouverai un jour la réponse à toutes mes questions.
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Le polyhandicap
« Handicap grave à expressions multiples avec déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. »
Les personnes atteintes d’un polyhandicap étaient, jusque dans les années 80, appelées « encéphalopathes » ou « arriérés profonds ».
Force est de constater que l’on étiquette de « personne polyhandicapée » tout individu totalement dépendant et mutique.
C’est ainsi qu’une personne ayant toutes ses facultés intellectuelles et parfois même ayant développé des capacités que nous mêmes, valides, n’avons pas, se retrouve avec cette étiquette qui la poursuivra toute sa vie et qui peut avoir de fâcheuses conséquences sur son évolution.
Or, je remarque que le plurihandicap, terme qui pourrait être parfois plus adapté n’est que rarement utilisé.
Pourtant, la prise en charge dépend bien souvent de l’étiquette collée dès le plus jeune âge.
Fiona avait intégré une école à Garches pour enfants IMC et atteints de divers handicaps moteurs. L’instit spécialisée avait fait en fin d’année, un compte rendu négatif allant même jusqu’à dire que Fiona ne répondait d’aucune manière à aucun stimuli…
Je comprenais très bien la difficulté à intégrer une petite fille sans parole dans une classe où chaque enfant s’exprimait plus ou moins avec facilité.
Mais de là, à dire qu’elle ne répondait à aucun stimuli, c’était pour moi de la mauvaise volonté.
Fiona s’est donc retrouvée dans un internat pour enfants polyhandicapés où les activités étaient identiques pour tous. Ben oui, ils étaient tous lourdement handicapés et déficients mentaux. Du moins, c’était le discours… Le changement a été brutal. J’avais envie d’hurler à tout le monde que ma fille avait des capacités et qu’il suffisait d’être patient, de croire en elle et de se donner les moyens pour qu’elle s’ouvre et évolue. Même le neurologue, convaincu de ses capacités, était impuissant.
Si Fiona était restée dans cet internat, peut être n’aurait elle jamais été la petite fille puis l’adolescente qu’elle a été. Même avec notre bonne volonté, peut être se serait-elle renfermée dans un « mutisme profond ».
Fort heureusement, certains centres pour enfants dits polyhandicapés, s’adaptent en fonction du handicap et des réelles capacités de chaque enfant. Car, peu importe le handicap, chaque enfant a ses propres aptitudes.
C’est le cas de l’IME où Fiona a été accueillie ces dix dernières années. Sans l’aide des professionnels, les parents peuvent être démunis. C’est un long parcours que nous faisons ensemble, enfant, parents, professionnels. Il est essentiel de croire en l’enfant afin d’essayer toutes les possibilités qui amèneront à une meilleure communication, à une connaissance, toujours en dédramatisant les échecs auxquels, parfois, l’enfant doit faire face.
L’enfant est alors acteur de sa propre évolution. C’est un individu à qui l’on propose des choix en rapport avec sa propre vie. Qu’il soit atteint d’un polyhandicap, d’un plurihandicap, d’une IMC, d’une maladie génétique ou autre…
Cette note pour vous dire que, personnellement, j’ai toujours été scandalisée par cette étiquette qui ne signifie rien mais qui arrange bien des professionnels du handicap... Même si elle fait perdre du temps aux personnes concernées.
Et vous, qu’en pensez vous ? Avez-vous déjà réfléchis à ces cases dans laquelle il faut à tout prix rentrer au risque d’être totalement délaissé ?
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Délivrance...
Je voudrais vous faire partager cette lettre.
Et vous poser une question.
Que pensez vous de cette "délivrance", mot utilisé par certains peut être pour nous réconforter, mot qui me fait hurler et me fait mal ?
Vous, qu'en pensez vous ?
Lette à une amie en ce 4ème jour de juin
Il m’aura fallu du temps pour écrire, ce qui paraît plus simple en paroles est difficile à matérialiser, par peur sans doute, de rendre une réalité inéducable, un peu plus définitive.
Je n’ai aucune recette à donner, ni exemple à exalter, simplement le fruit d’un vécu tragique, d’une expérience effroyable qui me marque à jamais, comme un fer rouge sur la chair.
Mon fils Simon n’est plus, il était toute ma vie, il était tout pour moi.
Pendant 23 ans, nous avons mené une bataille contre le handicap, pour la vie. Et cette bataille, je l’ai perdue. Il m’a quitté, il est mort, c’est à dire qu’il a cessé un soir d’automne de respirer, mais il n’a pas cessé de vivre, car il est présent au rendez vous des souvenirs, au détour d’un paysage, d’une photo, d’un objet, de ces milliers de moments qui font le quotidien.
Dans les soirs calmes, où les pensées s’envolent, nous revivons ensemble ce parcours, avec ses bons et mauvais instants. Il ne s’agit pas de sacraliser ici le handicap, c’est une blessure difficile dont on ne guérit jamais.
La vie de tous les jours est âpre et la souffrance est permanente.
Je sais une seule chose : perdre son enfant c’est l’épreuve la plus difficile d’une vie.
Pour toi, qui vis les mêmes événements, je mesure le degré des sentiments qui nous rapprochent.
Je sors difficilement de l’enfer des nuits sans sommeil, des questions sur le pourquoi, ce sentiment d’injustice qui tord l’esprit.
Le regard des autres, les fausses compassions, les pseudos solidarités, cela ne nous aide pas à surmonter l’épreuve.
Qui n’a pas entendu la phrase : « c’est une délivrance », comme si l’on pouvait se délivrer d’une partie de soi même, ces mots qui font hurler.
Comment leur en vouloir ? ils ne peuvent pas comprendre, car il faut le vivre pour sentir la déchirure de l’âme.
Mais nos enfants vivent en nous, à travers nous, autour de nous. Chaque fois que l’on pense à eux, ils viennent contre notre oreille pour nous parler.
La mémoire, c’est la lutte contre l’oubli, il faut vivre l’absence, le contact de la peau , son sourire, son odeur, cette petite main qui vous cherche et vous serre, ce regard profond qui dérange et déstabilise, cette interrogation permanente .
Nous vivons des moments hors du commun et il est inutile de vouloir tout rationnaliser. Je suis convaincu qu’ils nous entendent par delà le temps et l’espace et que l’échange est inévitable.
J’avais avec Simon une relation fusionnelle, et il me manque chaque jour, si j’ai des regrets, ce n’est pas de ce que nous avons fait mais de ce que nous ne ferons plus.
Pourquoi avons-nous été choisis pour cette mission ? Nous devons être mieux armés que d’autres pour faire face.
Nous avons rendu nos enfants heureux, il nous appartient maintenant de remonter du royaume d’Hadès, jamais plus nous ne seront pareils, frappés du sceau du malheur, nous savons mieux ce qu’est le vrai bonheur.
Quand le corps brisé s’éteint, un halo indéfinissable quitte le corps, certains l’appellent l’âme, d’autres l’énergie centrale.
Comme un de nos grands présidents mourant disait, « je crois aux forces de l’esprit ».
Les parents d’enfants handicapés sont des personnes d’exception, et il faut l’admettre.
Je t’embrasse très fort
Joel