Parfois j’ai encore du chagrin. Celui qui fait mal, celui qui arrive sans prévenir, qui me réveille en sursaut la nuit, me fait pleurer des journées entières et ne passe pas.
J’ai encore et toujours du chagrin mais je n’en parle plus.
Le temps qui m’était octroyé s’est écoulé.
Le sablier est vide depuis un moment, j’ai épuisé mon temps de chagrin, le temps « normal » dans la tête de tous et, pourtant, je suis toujours là avec mon cœur meurtri, ce manque en moi qui me fait mal. Je me sens honteuse.
Honteuse.
Comme la gamine qui aurait fait pipi au lit la nuit alors qu’elle a passé l’âge, comme l’adolescente anorexique qui ne pourrait dévoiler sa souffrance, ou encore comme l’adulte qui aurait des peurs puériles. J’ai honte d’avoir dépassé le temps qui m’était imparti.
Et, pourtant, ce manque de ma fille ne passe pas. Plusieurs fois par semaine, je rêve d’elle et je me réveille en m’imaginant qu’elle est dans la pièce à côté. Le réveil est brutal et douloureux…Je me rappelle qu’elle n’est plus. Elle n’est plus depuis 5 ans 1/2 maintenant.
Je me rappelle de son visage comme s’il était là, devant moi.
Je me rappelle de son odeur, comme si son visage était resté enfoui au creux de mon épaule.
Je me rappelle de ses gestes comme si je sentais encore sa petite main se poser sur ma peau. Certains jours, c’est insupportable, c’est un combat vers la délivrance, vers le bonheur, vers la quiétude. Juste me dire que je suis guérie. Guérie sans risque de rechute. Mais ce manque insupportable est insidieux, il se faufile quand je ne l’attends pas.
Cette rentrée des classes est douloureuse, comme les autres avant. Je me sens seule. Et, je me rappelle.
Noel me fait frémir de douleur à tel point que je voudrais me terrer ailleurs, loin et oublier.
La fête des mères, me rappelle tellement que j’ai été une maman, une vraie, une fusionnelle je dois dire et que je ne le suis plus si ce n’est dans mes souvenirs…
Mon anniversaire…je n’ai plus ses petits mots d’amour qui accompagnaient ses cadeaux, je n’ai plus ses sourires, son impatience. Je n’ai plus ses rires !
Son anniversaire…Seule me reste sa pierre tombale pour lui dire combien je l’aime encore, toujours, pour toujours, pour toujours, et bien plus encore et, combien je donnerai ma vie pour passer juste ce jour avec elle.
Juste ce jour…
Alors, je la prendrais tout contre moi, comme avant. Je lui dirais des mots doux à l’oreille, comme avant. Je lui caresserais la nuque, comme avant. Je lui prendrais la main, comme avant. Je l’étoufferais contre mon cœur empli, comme avant, et elle éclaterait de rire. Elle me taperait alors sur son petit clavier « je t’aime maman ».
Et elle rajouterait « je t’aime Pierre ». Comme toujours.