Je me pose un instant dans son ancienne chambre, je regarde autour de moi. Peu de souvenirs de son passage ici. Quelques vieilles peluches laissées là par hasard, ses poupées russes, une boite modelée en terre et un encadrement de toile de peinture que nous avions entièrement recouvert de papier de soie multicolore. J’ai changé la couleur des murs, j’ai remballé son lit électrique, j’ai installé dans cette pièce de nouveaux meubles. Mais je revois encore la pièce telle qu’elle était quand son rire en cascade illuminait encore les murs.
Je regarde par la fenêtre. De là, je ne vois qu’un bout du jardin et de la piscine. Je n’ai même pas eu le temps de la voir s’épanouir ici. Partie trop vite. Un simple au revoir, à demain. Pour ne jamais revenir. Merde !
Aujourd’hui j’ai commencé à ranger tous les objets personnels avant l’arrivée des locataires en juillet. Ses photos et autres petits souvenirs cohabitent le temps d’un été dans une grande caisse avec toutes sortes d’objets et de papiers. Sa boite à trésors qui renferme ses 16 années de vie va aller rejoindre les outils sur une étagère dans la cabane de jardin. Ses cendres aussi. Ma manie de poser ma main dessus tous les soirs avant d’aller me coucher m’est passé. Je peux vivre sans à présent.
Dans dix jours je serai à Saint Germain en Laye. Et là je le sais, les souvenirs vont affluer à la vitesse grand V, me faisant du bien et du mal. Je vais avoir envie d’aller tous les quatre matins au cimetière à Mareil et de passer devant notre ancienne maison. Je vais certainement rendre visite à mes anciens voisins qui me raconteront les dernières nouvelles du village. Et à Parly II, je vais la voir dans son fauteuil, excitée comme une puce rien qu’à l’idée d’aller acheter des fringues. Les images me reviennent alors nettement à l’esprit, tout y est, les odeurs, les sensations…Nous avons tous la faculté je crois, de revivre à la perfection des instants éphémères.
Les années passent et, la vie, le bonheur de vivre, la joie reprennent le dessus. C’est un mauvais épisode qui laisse une cicatrice béante, certes, sanglante même. Mais la route finit par se redessiner clairement à l’horizon et le nouveau départ est plus serein.
Je vis avec ce poids constant sur la poitrine, comme d’autres vivent avec leurs douleurs physiques ou tout autre souffrance. Un mal. Il faut juste prendre le temps de l’apprivoiser, en quelque sorte de l’aimer pour pouvoir vivre avec sans effort.
Je ne pleure plus. Ou si peu. C’était, parait-il, un des éléments révélateur dans ce parcours. Je ne me réveille plus le matin en me disant qu’il faut vite que j’aille voir dans sa chambre si elle dort encore. Et je ne rentre plus dans des boutiques, comme un soir, quelques mois après son départ, pour lui acheter un tee-shirt. Il m’arrivait si souvent la première année d’oublier qu’elle n’était plus là. L’effroyable vérité me revenait alors en pleine tronche ! Si souvent.
Mais j’ai encore besoin de parler d’elle. D’où ce blog, son blog, que je ne peux me résoudre à supprimer car, en dehors de ses derniers mois de vie qu'il contient, il reste également mon psy de secours dans les moments où j’ai besoin de parler à moi-même et de vous parler à tous.
Et dans ces moments où j'ai encore besoin de te parler à toi mon Amour, autrement que dans mes pensées...