La douleur d’une mère amputée de la vie de son enfant est indescriptible, comme nous pouvons le lire à travers les mots de Naïk ou à travers les miens.
Pourtant comme le dit si bien Pat, la mort n'existe pas et, au contraire il y a un rapprochement, une communion des deux âmes à laquelle, je le dis, nous devons prêter attention. Oui, je n’ai pas peur de le confirmer « ma fille est en moi et je suis en elle ». C’est une vague intuition au départ qui devient rapidement une certitude.
Naïk je vais tenter de m’expliquer sans apporter trop de détails qui pourraient en choquer quelques uns. Là n’est pas le but. Chacun vivra un jour sa propre expérience en fonction de sa réceptivité et de son désir de comprendre.
Quinze jours après le départ de Fiona, le dimanche 9 mars 2008 très exactement, j’ai entendu subitement dans ma tête sans que je m’y attende une petite voix qui me disait « maman, maman, je suis là ». J’ai eu peur. Je ne connaissais pas cette voix (Fiona ne parlait pas). Je me suis assise sur mon lit et je l’ai vue de mes yeux, là, à côté de moi. Belle, sereine, souriante. Sans aucun handicap.
Le soir deux cadres avec sa photo sont tombés du mur.
Depuis ce jour, les signes n’ont cessé de nous montrer son existence, sa présence.
Les plantes qui changent de place, son parfum dont l’odeur décuplée par dix entre soudainement dans une pièce, un verre qui explose (je dis bien qui explose) au démarrage d’une chanson très particulière, l’eau d’un robinet qui se met à couler toute seule, un nuage en forme de cœur le soir de nos 10 ans de mariage…Et j’en passe.
Mais le plus incroyable est sa transmission de pensées.
J’ai en moi ses pensées. Je l’ai compris peu à peu. Un soir elle m’a parlé de Dieu, à moi sa maman qui n’avait pas vraiment la foi. Et elle m’a dit « Je suis la lumière, la vie, l'amour, la vérité. Nous vivons pour l'éternité. J’apprends la vie de lumière. Je serai cette lumière pour tous mes amis. »
J’avais besoin de preuves car j’avais la crainte que ce soient mes propres pensées qui délirent…Cette preuve je lui ai demandé.
Le lendemain matin, je trouvais un commentaire de Pat sur le blog
« La nuit passée, j’ai vu une âme qui baignait dans la source de la lumière, c’était Fiona qui me souriait, continue Pat me dit-elle, d’écrire la lumière avec l’encre de ta nuit, car les enfants ne saisissent pas encore la parole de vérité. Je relevai mon visage tandis que mes yeux effleurèrent les siens, c’est à cet instant que je compris l’éternité de l’homme. »
Coïncidence ?
Depuis, ses pensées se mélangent aux miennes et je vis avec elle. Elle me prévient de certains évènements, elle me parle de la vie, de l’universalité, de la continuité, du pardon, de l’essentiel, du bonheur, de Dieu…
Mes incertitudes sont devenues des certitudes, tout est pour moi à présent une évidence.
Elle m’ouvre peu à peu les portes restées longtemps inaccessibles.
Et pourtant je souffre. Car son absence physique reste pour moi insupportable.
Marie, je trouverai un jour la réponse à toutes mes questions.
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Titeuf
Fiona : je voudrais que tu me dessines un ITP pour que je colorie
Michèle : un quoi, je ne comprends pas ?
Fiona : un TITEUF
J’ai regardé le cahier de communication de Michèle et Fio. C’est un peu comme leur journal intime sauf que, ce que Fiona voulait que j’ignore n’avait pas le droit de paraître dans ce cahier.
Ce 20 octobre 2005, il s’agissait de Titeuf.
Celui qui faisait rire Fiona et lui a appris certaines choses de la vie.
A la lecture approfondie de ce manuel,
je comprends maintenant d’où Fiona sortait certaines remarques un peu grivoises qui nous surprenaient, ou certains détails qu’elle expliquait comme sur les baisers…
Elle n’en avait pas loupé une miette.
J’ai retrouvé ce fameux dessin et, j’imagine Fiona s’esclaffant de rire avec Michèle.
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Je ne peux y croire
J’y ai souvent pensé, je l’ai parfois imaginé mais, je n’y ai jamais cru.
Et puis, ce soir du samedi 23 février 2008, je l’ai vu dans ma tête. Un flash de quelques secondes. Une grande photo, un cercueil et du monde. De la peine, des pleurs. J’ai eu une angoisse. Qu’est ce que je venais de voir ? Tes obsèques mon cœur…mon amour, mon enfant, ma fille, je venais d’avoir un flash de tes obsèques. J’étais en voiture avec Pierre, il était 23h environ, nous revenions de Paris, détendue, heureux. Tu étais chez ton père. J’ai eu ce flash subitement.
Je n’y ai pas cru.
Pourtant, mes larmes ont coulé, je ne comprenais pas. Tout était net, précis. J’ai chassé les mauvaises images.
Et j’ai oublié, je me suis couchée et me suis endormie.
Dimanche 24 février 2008, 7h, Pierre me crie « lève toi, Fiona a eu un arrêt cardiaque. Jean-Alain vient d’appeler ».
Le cauchemar rejoint le flash de la veille.
Je n’y ai pas cru.
Je me lève, enfile un vêtement, je tremble. Pierre pleure, je pleure. Une panique intense, effroyable panique.
Je n’y croyais pas. Nous n’y croyions pas.
Nous arrivons chez ton père en même temps que le Samu. Je m’entends hurler « c’est ma fille, ce n’est pas possible ! C’est ma fille !! ».
Nous entendons de la pièce voisine les médecins et les pompiers s’affairer. Nous entendons la machine, le tracé plat et le son du défibrillateur. Puis soudain, ton cœur repart.
J’y ai cru. J’y ai tellement cru.
Ils nous laissent entrer dans la chambre. Allongée sur le sol, ton body découpé laisse ta poitrine nue, ton visage blême penché sur le côté, tes yeux à moitié fermés, ta bouche entrouverte d’où sort le tube d’intubation, ce tube que tu connais trop bien pour l’avoir si souvent supporté. Ce tube qui aura vaincu ta trachée et ton larynx devenus mous à cause de ces longues intubations, ta petite trachée et ton petit larynx, petites parties de ton corps abîmées, dont les parois se collent méchamment à chaque inspiration t’empêchant de respirer. Cette petite trachée et ce larynx qui cette nuit t’ont joué un sale tour…Je m’ accroupie à tes côtés « ne nous laisse pas Fiona, bats toi ma nénette, je t’aime… ».
J’y ai cru, tu avais si souvent frôlé la catastrophe.
Mais le médecin du Samu n’y croyait guère…
Garches 9h. Tu arrives dans ce lieu que tu connais si bien, accueillie par ceux et celles que tu affectionnes. Mais tu n’as pas ton sourire habituel . Et nous n’entendons pas ton prénom clamé dans les couloirs.
10h. Tracé plat. Coma.
Comment ne pas y croire…
Nous entrons dans la pièce. Je me penche sur toi. Deux petits carrés collants maintiennent tes yeux fermés. Je te prends la main, je te parle. Tu m’entends. Et je vois…je vois deux larmes couler sur tes joues. Je pleure avec toi. Nous pleurons avec toi.
Ton père et Françoise prennent notre place auprès de toi.
La famille arrive. Ma mère me paraît soudain tellement petite.
Nous sommes tous dans la salle d’attente le regard fixe, ailleurs.
Michèle ta cop’s. Elle craque, tant de douleur dans ses pleurs. Je la regarde dans les bras de Pascal.
16h. Tracé plat.
Le médecin qui te suit depuis de longues années est là. Rassurant, réconfortant. Mais exceptionnellement impuissant aujourd’hui. La vie a décidé. C’est inéluctable.
L’infirmier spécialisé des dons d’organes nous parle. Nous signons les papiers. Un deal. Nous demandons le transfert de Fiona à la maison dès lundi. C’est compliqué mais ils le feront.
Je ne peux qu’y croire. Mais je ne suis plus vraiment là.
Hôpital du Chesnay 20 h.
Une infirmière s’affaire au dessus de toi. Antibiotiques et multitude d’injections pour maintenir tes organes en vie. La machine nous fait croire que tu es encore dans notre monde. Or, ton corps est vide de cette vie.
Un prête arrive. Il sort un livre, bafouille, se reprends, cherche ses pages. Il est absent, il n’est pas là, aucune sensibilité, il est pressé.
Pierre et moi aurions du te baptiser nous même. Dieu aurait accepté cette entorse aux règles. Je le sais.
J’ai mal de voir ce bâclage. Tu mérites mieux.
Nous attendons. Ta petite main est froide dans la mienne. Je ne veux pas te lâcher. Non, je vais partir avec toi ! Cette main jamais je ne pourrais la laisser sortir de la mienne ! Jamais !
Nous attendons qu’ils aient trouvé les receveurs. J’ai peur qu’ils t’enlèvent tous tes organes. Et si ton corps devenait plat, sans plus rien dedans ??
Il me tarde qu’ils te laissent tranquille. Qu’ils ne s’acharnent plus sur tes veines, sur ton petit corps meurtri. Qu’ils arrêtent.
L’infirmier nous promet que ton Ben viendra au bloc avec toi. Il sera dans un sac stérile.
C’est important, c’est essentiel aujourd’hui que Ben soit avec toi.
0h30. Ton lit d’hôpital quitte la pièce.
Je ne veux pas y croire.
5h. Message de l’infirmier. Ils n’ont pris que les reins. Ben était là. Ils ont deux receveurs. Une femme de 30 ans. Un jeune garçon de 16 ans.
Hôpital du Chesnay. Lundi 25 février 2008. 8h.
La chambre mortuaire. Drôle de nom. La pièce n’est pas si froide que l’on se l’imagine. Mais l’image est terrifiante. Je ne peux supporter l’idée que tu es restée là, au milieu de cette pièce, couchée sur ce brancard, seule toute la nuit, avec Ben pour seul réconfort. Ton visage paisible sortant du drap.
Ta main est gelée.
C’est terrifiant.
Je ne peux y croire.
Avant hier midi je te disais « A demain ma nénette ». Je plaisantais et tu riais.
Tu n’es jamais revenue de chez ton père.
Quand je regarde au dessus de ta tombe, je vois la ville scintillante. Les lumières de la ville dans la nuit. Paris au loin. J’aime, tu le sais, j’ai toujours aimé les lumières de la ville la nuit.
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Il est loin le temps de l’insouciance
Il est loin le temps de l’insouciance.
Chaque jour vous gravissez peu à peu sans retour possible en arrière, la sente de la raison. Celle-ci vous mène par le bout du nez. Elle vous attire irrésistiblement tel un aimant et vous gave insatiablement d’une tisane léthargique.
Vous rappelez vous pourtant des jeux auxquels vous jouiez lorsque vous étiez encore jeune et vulnérables, de vos premières rencontres amoureuses à l’âge de l’adolescence puis les projets fous qui vous animaient entre amis à faire et refaire le monde?
Autour de vous pourtant, l’existence à toujours sa part de légèreté. Nul ne peut passer à côté et pourtant vous avez quelques fois la sensation de ne plus être au cœur du sujet.
Avez-vous entendu le dernier tube à la mode, vu le dernier film d’horreur ou joué à la WÏ ? Et combien même vous participez, il vous semble dans l’instant qui suit, que la vie doit reprendre son cours avec son lot de sollicitude, l’insouciance en moins et la souffrance en plus.
Mais, ne nous trompons nous pas nous même, en raisonnant de la sorte. Chacun comprendra qu’il n’est pas facile de vivre sa peine et de la partager. Mais il existe encore une petite part d’insouciance qui se cache en nous. La vie n’a t-elle pas aussi sa part de velouté et de douceur ?
Chaque instant doit être le nôtre et il faut croquer la vie comme un éclair au chocolat.
Pierre
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Chapeau Mamy !!!!
Entends tu Fiona qui te dit « Bravo Mamy, t’es la plus forte de toutes les mamies ! »
A 78 ans, tu es en pleine forme…et pour preuve, cette toute petite vidéo en souvenir de tes exploits.
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Sans toi
Fontarèches, "la maison de Fiona". Choisie par Fiona. C’était fin août 2007, il y a tout juste un an.
Nous revoyons encore Fiona lors des visites de maisons, la tête qu’elle faisait en sortant en disait long…
Et puis soudain, son regard pétillant en visitant cette maison, ses beaux volumes, son immense jardin plein d’arbres fruitiers et de fleurs. Et leurs propriétaires charmants.
Elle était heureuse à l’idée d’avoir une maison pour les week-ends prolongés, les vacances. Un lieu où nous irions tous les trois nous ressourcer, sans avoir à galérer pour trouver un hôtel suffisamment adapté. Un lieu où elle aurait sa chambre, ses petites affaires personnelles.
Dès le retour en Ile de France, Fiona nous disait déjà « nous pourrions partir ce week-end dans l’autre maison ».
Elle aimait bouger la nénette.
Nos premières vacances sans notre puce...
La première semaine, nous avons terminé les peintures et la déco de la maison.
Il faisait plus de 35°, un grand ciel bleu, pas de vent, les cigales se réveillaient tôt le matin, nous entendions les moutons au loin, et les fleurs jaillissaient de tous les coins du jardin.
Nous avons fait la chasse aux essaims d’abeilles dans la boite aux lettres, les tuiles, les volets (une piqûre pour moi en prime), les fourmis se sont chargées du reste.
La famille est arrivée et les jours ont défilé
entre randonnées,
promenades dans la garrigue,
plaisir des yeux,
visite des villages, ballades dans la belle ville d’Uzès,
journée chez Marie et Bernardo (merci les amis pour cette agréable journée)
baignades et canoë dans la Cèze et le Gardon,
apéro et repas avec nos voisins,
rigolade à la Wii Fit, batailles de crème chantilly,
parties de pictionnary, rires, discussions, lecture, repos sur les transats, dîners au restau…et le manque de Fiona toujours là, la douleur devenant physique tant l’absence est insupportable certains jours. Les larmes qui coulent toutes seules, le regard désolé et l’étreinte de ma mère qui souffre, les bisous de mes sœurs, le regard attentif et affectueux de Jean-Luc mon beau frère, le petit mot de Mélissa pour Fiona, « je t’aime », posé près de sa photo et de sa bougie.
Rien ne sera plus jamais comme avant.
La rentrée se fait sans toi.
Cette année pas d’album photos des vacances préparé à 4 mains pour l’IME, toi complètement surexcitée et moi heureuse de te voir dans la joie.
Pas de boutique à Parly II pour t’acheter quelques vêtements d’automne, un nouveau sac et une ou deux paires de chaussures.
Pas d’inventaire des vêtements trop petits à donner à Elise parce que tu avais, comme toujours, grandit durant les vacances.
Plus de regards pétillants et de petits cris de bonheur, plus de mots tapés sur le clavier, plus de sms envoyés à tes amies éducatrices avant la reprise.
La rentrée se fait sans toi.
Tu nous as quittés il y a tout juste 6 mois aujourd’hui. C’est hier et il y a si longtemps. Trop longtemps.
Je t’aime tant, nous t’aimons tant.